# Le rôle social

« Faire du commerce sans publicité, c’est comme faire de l’œil à une femme dans l’obscurité. Vous savez ce que vous faites, mais personne d’autre ne le sait », écrivait Steuart Henderson Britt dans le New York Herald Tribune du 30 octobre 1956. Sur le principe, nous sommes d’accord. Faut-il que le message publicitaire soit enclin à susciter l’intérêt de son public (dans la même mouvance qu’Henderson, vous pouvez passer trois heures à faire de l’œil à quelqu’un – à en avoir un strabisme – sans que la charme opère).
Aujourd’hui plus qu’hier, la tendance de communication est au “pathos” : faire de la promotion qui va toucher la sensibilité du public. Et encore plus pertinent, diffuser des territoires de communication tellement forts et contextuels, qu’ils invitent les individus à se mobiliser. La publicité est donc faite pour informer et pousser à agir. Elle tente de contourner les mœurs, de combattre les rumeurs, et de bousculer nos systèmes de valeurs. En témoigne le nombre grandissant de campagnes citoyennes, regroupant plusieurs entités autour de cause(s) commune(s). À l’instar de #LePlastiqueNonMerci, initiée par France Inter et Konbini ou encore #MaCommuneJyTiens, hashtag lancé fin 2018 par L’AMF (Association de Maires de France) dans le but de réaffirmer le rôle et la place de la commune, du maire, des élus et des équipes municipales dans une République désormais décentralisée.
Depuis toujours, la publicité côtoie la propagande, non pas dictatoriale, mais marketing. L’enjeu réside alors dans l’identification sociale et psychologique des insights qui permettront aux annonceurs de faire accepter leur offre.

# L’éthique au cœur des Cannes Lion 2019

Du lundi 17 au vendredi 21 juin se sont tenus les Cannes Lion 2019.
Cette Coupe du Monde de la publicité récompense depuis 1954 les campagnes les plus créatives. Cette année, 79,3 % des Grands Prix faisaient l’objet de campagnes engagées sur le plan sociétal contre 20,7 % de campagnes produits. Comme si ce festival international avait désormais un rôle éthique à jouer, dédié aux idées créatives qui changent le monde (tiens, ça nous rappelle un slogan). Beaucoup d’Américains ont été primés (313 Prix), mais les Français ont malgré tout signé de belles campagnes (60 Prix).

Retours sur trois créations originales, qui donnent envie d’agir :

• L’unique Grand Prix des Cannes Lion a été attribué à Marcel et sa campagne « Black Supermarket » pour le compte de Carrefour. Le But ? Abolir la loi interdisant la commercialisation de légumes issus de semences de variétés paysannes. Mieux que le Prix, en avril 2018 le Parlement européen vote la libre commercialisation des semences paysannes. Appelé « Creative Effectiveness », ce Prix récompense l’impact de la créativité sur un segment d’activité, à long terme.
• Avec trois Golds, McCANN Paris a été l’agence la plus primée. Elle signe en particulier une belle campagne pour L’Oréal « The Non Issue » dans le but de (re)valoriser les femmes de plus de 50 ans.
• TBWA\PARIS est l’agence qui remporte le plus de Lions (13 au total). On retiendra « Les Armes Innoffensives » une opération imaginée pour le compte de Dagoma. Ce leader européen de l’impression 3D craignait une utilisation accrue des fichiers permettant aux détenteurs d’imprimante 3D de fabriquer leurs propres armes à feu. Les équipes internes ont alors modifié les fichiers sources pour rendre impossible le montage d’une arme. Ils les ont ensuite remis en ligne, comme si de rien était.

La vision éthique des Cannes Lions nous prouve que la publicité a son rôle à jouer dans le changement des mentalités. Et si les prescripteurs d’une telle importance ne se mobilisent pas, alors le consentement autour d’un projet aura du mal à se généraliser.

# Les principes de la réussite

Les exemples précédents nous prouvent à quel point la réussite d’une campagne de communication passe par les sciences sociales – psychologiques, sociologiques, psychosociales… – et les techniques qui en découlent (études quantitatives, études qualitatives, interviews…). À travers son ouvrage, PROPAGANDA, Edward Bernays (père fondateur des relations publiques) pose quelques éléments à prendre en compte au service d’une publicité dont l’objectif est de modifier les mentalités.

Nous les synthétisons en quatre points :

1. L’utilisation subtile de la sociologie au service du marketing.
2. Le test et l’affûtage de l’idée auprès d’élites intellectuelles (philosophes, journalistes, psychanalystes, publicistes…).
3. Le déploiement massif de l’idée par les entreprises / marques. Bernays parle de « manipulation consciente » pour expliquer que les entreprises ont conscience de la conscience collective. L’idée éthique rapportée à l’entreprise lui permettra de favoriser sa rencontre avec les cibles.
4. La diffusion de l’idée sur les bons canaux, à commencer par les leaders d’opinion (influenceurs, prescripteurs) et les médias.

La publicité / propagande / promotion a alors le pouvoir de faire évoluer les mentalités à condition qu’elle soit réfléchie de façon empathique, influencée par les bons prescripteurs et adoptée inconsciemment par le grand public. L’exemple le plus frappant de notre décennie est la révolution Apple et le SmartPhone de masse.

Exemples :

Histoire : Edward Bernays, l’homme qui a réussi à faire fumer les femmes et renverser un gouvernement grâce à la publicité, est pourtant oublié du grand public. Cette vidéo offre un rapide aperçu de son parcours et de ses principales actions.

Culture Pub : résumé en quelques spots de l’influence de la publicité sur la société autour de cette question centrale « est-ce que la pub peut faire changer les mentalités ?”

Investissement intelligent : Goodeed est une plateforme de dons qui s’autofinance grâce aux spots publicitaires visionnés par les utilisateurs. Pas besoin de dégainer sa carte bleue, au bout de 20 secondes, le don est effectué et reversé à une association préalablement sélectionnée. On n’aura jamais autant aimé regarder des films publicitaires. 😉