Woke washing : démarche sincère ou simple stratégie de marque ?

24 octobre 2019 - Carré Frais #183

Woke washing : démarche sincère ou simple stratégie de marque ?

# Que signifie réellement ce nouveau terme « woke washing »

Souvenez-vous du green washing, cet outil marketing apparu dans les années 80 qui avait pour but de véhiculer une image écoresponsable d’une entreprise, aujourd’hui cède sa place au « woke washing ». Appelé également le « purpose marketing » le woke washing apparaît comme étant le nouveau terme en vogue de l’année 2019 que tous les publicitaires tentent de s’approprier.
Mais le woke washing, qu’est-ce que c’est ? Être « woke » c’est avant tout être conscient des injustices sociétales telles que le racisme, le sexisme, le patriarcat ou même encore les injustices environnementales et sociales. Issu de l’argot afro-américain qui signifie « éveillé ». C’est la chanteuse Erykah Badu qui l’a popularisé il y a une dizaine d’années, avec sa chanson “Master Teacher (I stay woke)”, puis en 2012, en utilisant la phrase “Stay woke” dans un message public de soutien aux Pussy Riot [groupe de rock féministe russe dissident]. »

 

# Être « woke », la nouvelle tendance publicitaire 2019

C’était au mois de juin dernier durant les Cannes Lions 2019 que le CEO d’Unilever Alan Jope lance le signal d’alarme à propos du woke washing, ce nouveau mode de communication qui « pollue le monde de la publicité ». Homosexualité, racisme, patriarcat, causes climatiques… tous ces sujets sociétaux abordés par les plus grands à travers des campagnes de communication deviennent de véritables cas de « woke washing ». D’après Alan Jope, cette nouvelle façon de communiquer détruirait, d’ici peu, la confiance des consommateurs, déjà très mince, vis-à-vis des marques. En effet, cela devient de plus en plus délicat de déceler un discours authentique et sincère à un cas de woke washing. Des discours de marque qui jonglent avec paradoxe et hypocrisie et qui provoquent chez les consommateurs une réelle frustration. Attention à ne pas tomber dans les travers de cette nouvelle tendance de paraître « woke » qui pourrait, à terme, réduire l’idée créative tant l’intention du « bien se faire voir » est important. Trop nombreuses sont ces marques qui flirtent avec le risque et s’attaquent à la conscience sociale et morale de ses consommateurs en usant des causes sociétales, environnementales et sociales à des fins publicitaires sans se préoccuper de son ADN et de ses convictions principales.
Néanmoins, une stratégie de woke washing bien établie, orchestrée de façon discrète et appropriée peut favoriser le recrutement de nouvelles typologies de consommateurs, et ainsi créer une communauté engagée et valoriser son image de marque. Pour se faire, il est primordial pour la marque de lier ses gestes à sa parole, au risque de perdre toute crédibilité aux yeux de tous.

 

# Des consommateurs déjà plus « woke » que les marques ?

L’ère du digital offre au plus grand nombre l’information en temps et en heure. Cette veille permanente qu’elle soit consciente ou inconsciente rend les consommateurs « woke » des sujets actuels. Alors qu’internet offre simplement de l’information, les réseaux sociaux, eux, donnent la parole à tous. Ces derniers deviennent alors une véritable arme pour les consommateurs, qui ont le pouvoir de détruire ou d’applaudir une marque en quelques minutes seulement. L’alliage consommateur et digital pousse les publicitaires à aller encore plus loin tant ils se sentent menacés et contrôlés par la publicité. Besoin de transparence, d’authenticité, d’émotion et d’honnêteté, les marques ne sont plus simplement caractérisées par un simple logo ou un claim bien tourné, celles-ci doivent être de véritables promesses. Les marques ne peuvent plus se permettre de véhiculer un simple message commercial. Elles doivent désormais promettre à leurs consommateurs d’avoir un discours sincère et authentique à travers leurs paroles, mais plus que tout, leurs actions. 81 % considèrent l’honnêteté des marques avant toute décision d’achat. (Edelman’s 2019 Trust Baromètre). Une promesse non tenue de la part d’une marque est le risque immédiat de perdre sa relation de confiance et de proximité avec sa communauté. Une confiance déjà fragile puisque seulement 34 % des consommateurs ont confiance dans les marques qu’ils achètent. (Edelman’s 2019 Trust Baromètre).
De plus, 64 % des consommateurs affirment choisir leurs marques en fonction de leur point de vue sur les questions sociétales. 91 % chez les millenials, qui deviennent de véritables porte-parole de « rébellion » à travers les réseaux sociaux. 53 % remettent en question la véracité des prises de position des marques – Edelman’s 2019 Trust Baromètre.
Nous sommes face à une révolution des motivations d’achats de la part des consommateurs qui ne cherchent plus à satisfaire leurs besoins, mais bien leur conscience.
Ces derniers ont complètement rehiérarchisé leurs motivations d’achat, phénomène impulsé et poussé par les réseaux sociaux et le woke washing que l’on peut désormais qualifier de tendance de grande envergure, jusqu’à bousculer et influencer leurs comportements vis-à-vis des marques.

 

Exemples :

Lacoste et « Save Our Species » avec la sortie de 10 polos en édition limitée où le crocodile emblématique de la marque cède sa place à des espèces en voie de disparition lorsque sont commercialisés, sur le site officiel, des gants en peau de cerf et des sacs en cuir de vache.

En apportant son soutien au mouvement #MeToo la marque Gilette crée la polémique en janvier dernier avec sa campagne « We Believe : The Best Men Can Be » qui appelle les hommes à dépasser leur masculinité toxique. Un film remastérisé de la célèbre campagne de 1989 qui avait pour signature « The Best a Man Can Get » qui fait écho de controverse à leur slogan emblématique depuis 30 ans « The Best Men Can Get ».

Un sandwich LGBT pour Mark & Spencer – En mai 2019 la chaîne alimentaire Mark & Spencer lance son sandwich LGBT. Un emballage avec les couleurs du Rainbowflag, ce sandwich avait pour vocation de soutenir la communauté LGBT à travers le monde. Des avis mitigés et des réactions immédiates sur les réseaux sociaux.

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